Ryotan Tokuda Sensei
Maître Ryotan Tokuda est diplomé en philosophie bouddhique.
Maître zen et spécialiste en médecine traditionnelle
chinoise.
Il est le fondateur de plusieurs monastères zen et instituts
détude de MTC (écoles
Nonindo), notamment au Brésil et en France.
La spécificité de son enseignement réside
dans lemploi systématique du shiatsu conjoint à
la MTC, ainsi que léthique que propose un Maître
zen à tous thérapeutes.
Préface à l' édition 2011
du livre de shiatsu d’Isabelle Laading
A la fin d’une conférence que j’avais
faite dans le cadre d’un colloque qui se tenait à
la première université d’été
de l’Université Libre de Bruxelles, un bon nombre
de personnes se sont approchées de moi et se sont présentées.
Je découvris alors qu’elles étudiaient le
shiatsu en France dans le cadre de l’école Nonindo
France. Ce fut pour moi une surprise inespérée et
agréable.
Le projet de Nonindo avait commencé à
prendre forme vingt ans auparavant. J’étais alors
régulièrement invité en France au centre
bouddhiste tibétain de Kagyu Ling où, durant cinq
ans, j’avais à plusieurs reprises dirigé un
enseignement intensif de la médecine traditionnelle chinoise
ainsi que des périodes de pratique du Zen (sesshins de
zazen) au cours de sessions s’étendant sur les deux
mois d’été.
Je garde un vif souvenir de ces ateliers de médecine
chinoise. Le dernier jour tous les participants prenaient joyeusement
part à la préparation d’un repas yakusen,
la diététique médicinale et végétarienne
chinoise. Les lamas, les moines et les nonnes bouddhistes tenaient
alors leur retraite de 3 ans 3 mois et 3 jours et ils semblaient
particulièrement apprécier la préparation
puis la dégustation de ces délicieuses recettes
Yakusen. Ce furent de très bons moments pour nous tous.
Depuis lors, Nonindo France a continué ses
activités auxquelles de plus en plus de gens ont pris part.
L’école s’est développée et a
prospéré sous la direction talentueuse d’Isabelle
Laading.
La médecine traditionnelle chinoise est profonde,
à tel point qu’on ne peut jamais totalement la maîtriser.
Même si vous êtes un praticien accompli, si vous éprouvez
le sentiment que ce que vous avez appris auprès de votre
maître suffira, alors vous êtes dans l’erreur.
Jamais vous ne devrez vous satisfaire des connaissances que vous
aurez acquises. Il vous faudra plutôt vous efforcer d’étendre
et de perfectionner cet art qui doit bénéficier
à vos patients. En tant que praticien de la médecine
chinoise, lorsque vous traiterez ces patients, vous serez bien
avisé d’avoir toujours présentes à
l’esprit les méthodes et les façons d’agir
qui soient le mieux à même de répondre à
leur besoin pour mettre un terme à leur douleur et leur
souffrance. A cette fin, il vous faudra tout mettre en œuvre
pour bien connaître l’état de vos patients
et pour cela n’oubliez jamais que chaque cas est un cas
différent et unique et exige donc qu’on l’examine
comme tel. Cela demande implication et dévouement de la
part du praticien de médecine traditionnelle chinoise et
souligne particulièrement l’importance de cette inclination
qu’il ou elle doit avoir pour une recherche persévérante
et inlassable. Dans la médecine traditionnelle chinoise
il est de toute première importance que le médecin
étudie et recherche sans relâche tout ce qu’il
est possible de mettre en œuvre pour soulager les maux de
ses patients.
Il n’est alors pas surprenant que l’objectif
majeur de Nonindo soit d’encourager et de prendre en charge
ce processus d’apprentissage continu de la part du praticien,
pour l’aider à conduire sa propre recherche.
L’auteur de ce livre, Isabelle Laading en
est un exemple fort pertinent. Elle a été professeur
de yoga avant de se consacrer avec moi à la pratique de
la médecine traditionnelle chinoise. Après avoir
été désignée pour me succéder
à la tête de Nonindo elle est tout de même
allée en Chine pour élargir ses connaissances. Cela
illustre le sérieux et le respect dont elle a fait preuve
à l’égard de notre tradition dont la transmission
requièrt une étude inlassable et constante de la
part du praticien. Avec Isabelle, Nonindo France s’est trouvé
la directrice très qualifiée qui convient tout particulièrement
à cette tâche.
Je voudrais maintenant mettre en lumière
la philosophie qui fonde Nonindo. Elle repose essentiellement
sur deux principes :
Tout d’abord, comme le disait mon maître
qui l’avait entendu de son maître : « Si vous
travaillez avec la médecine traditionnelle chinoise, ne
vous préoccupez pas de gagner votre vie avec. ».
Faire de soigner les gens une affaire profitable est le cadet
de nos soucis. Si vous voulez aider les autres vous ne manquerez
de rien, mais n’agissez pas de manière calculatrice
et ne cherchez pas à tirer profit de votre art.
Mon maître, Ryosui Wakita, était un
moine zen et son maître, Shoin Araki, était aussi
un moine zen. Ryosui était venu à la médecine
traditionnelle chinoise à la suite d’une grave maladie
et fut traité en tant que patient par Shoin Araki qui était
un maître de médecine traditionnelle chinoise. Après
qu’Araki eut soigné Ryosui il lui suggéra
de se mettre à son tour à la pratique de la médecine
pour venir en aide aux autres. Il est intéressant de remarquer
que la même chose s’était auparavant produite
avec Shoin Araki qui, plus tôt dans sa vie, avait lui-même
cherché de l’aide auprès d’un maître
de médecine traditionnelle chinoise dont il avait suivi
le traitement après être tombé gravement malade.
Ce maître, Sorei Yanagi Ya, lui avait alors conseillé
d’étudier la médecine traditionnelle chinoise
et c’est lui qui avait dit à Araki de ne pas se soucier
de gagner sa vie avec car soigner les patients amène toujours
« un retour. » Si ce n’est pas en termes de
profit, c’est au sens d’une rétribution naturelle.
Maître Sorei Yanagi ya avait enseigné
l’acupuncture à Shoin Araki. Après avoir terminé
son apprentissage, celui-ci se rendit auprès des maîtres
Kyushin Yumoto et Kenzo Okuda afin d’étudier avec
eux la phytothérapie par les kampos.
De leur temps, chacun des trois grands maîtres
qui avaient formé maître Shoin Araki était
une autorité en matière de médecine chinoise
et quand la médecine occidentale fit son entrée
au Japon et que le gouvernement décida d’interdire
la médecine chinoise comme étant non-scientifique
et inférieure à la médecine occidentale,
maître Sorei Yanagi Ya, maître Kyushin Yumoto et maître
Kenzo Okuda se battirent pour que la pratique de la médecine
chinoise puisse continuer au Japon.
Pour revenir encore une fois à ce principe
énoncé par mon maître et qui veut que lorsqu’il
soigne un patient le praticien ne se soucie pas de gagner sa vie,
qu’il me soit permis d’ajouter ceci : Le principe
à l’œuvre ici est la notion bouddhiste de manifestation
de l’esprit de grande compassion dont le praticien doit
être doté. Il n’y a alors aucune raison qu’il
considère comme un commerce ce qui doit être une
vocation. Les « retours » ne sont pas mesurables en
termes de profit mais dans les termes d’une circulation
cosmique dans laquelle le praticien de médecine chinoise
recevra toujours ce qui lui est dû. Pas d’inquiétude
alors, il ne manquera de rien si son souci profond est la santé
et le bien-être de ses patients.
Ce principe et cette attitude de grande compassion
sont donc très importants, de nos jours peut-être
plus que jamais.
Pour promouvoir ce principe, nous avons établi
une règle à Nonindo. Ceux qui étudient le
shiatsu doivent traiter gratuitement leurs cent premiers patients
quand ils commencent à travailler de manière indépendante.
Cela s’inscrit dans notre longue tradition qui valorise
l’esprit de grande compassion qui est sans limite. Croyez-le
ou non, si vous traitez cent personnes gratuitement vous ne manquerez
jamais de patients. On recherchera toujours votre travail. Jusqu’à
maintenant il n’y a eu aucune exception à cette règle.
Le second principe de Nonindo est contenu dans la
signification du mot Nonindo : Nonin signifie Shakya, c’est
le nom du clan dans lequel naquit le Bouddha, comme dans Shakyamuni
Bouddha. Le Bouddha Shakyamuni est aussi connu comme étant
le grand roi de la médecine. Muni signifie un grand sage
qui a fait vœu de silence. Ce mot « Muni» figure
aussi dans le nom de notre association zen, la sangha Maha Muni.
Dans le sutra du Bouddha de la médecine il
est écrit que celui-ci a formé des vœux innombrables
d’assister ceux qui en ont besoin : les malades, les pauvres,
les vieillards et ceux qui n’ont pas de famille.
Ce second principe de la médecine bouddhiste
qui veut que l’on porte assistance, autant que possible,
au plus grand nombre de nécessiteux est donc parent de
la philosophie de Nonindo. Ce principe demeure vrai, particulièrement
à notre époque. Il s’applique non seulement
au shiatsu mais aussi à l’acupuncture, aux kampos,
à la cuisine yakusen, au yojo (hygiène de vie taoïste
et/ou bouddhiste), à la psychologie bouddhiste yuishiki,
au zazen et à la pratique du yoga.
Ces deux principes, basés sur la grande compassion
du Bouddha, sont certainement la meilleure façon de vous
engager et de consacrer votre vie professionnelle à la
pratique de la médecine chinoise. Pour que cela se produise
il n’est bien sur pas nécessaire d’être
bouddhiste. Il suffit de vouloir alléger la souffrance
de notre monde. L’essence de cette aspiration recèle
l’esprit de Boddhisatva.
Ohm Korokoro Sendali Matougi Sowaka.
C’est le mantra du Bouddha de la médecine.
Vous pouvez le réciter dans votre cœur quand vous
traitez vos patients. Je prie pour que vous fassiez preuve de
cette persévérance qui vous tiendra en marche sur
le chemin de la grande compassion.
Ryotan Tokuda, 21 septembre 2009.
Traduction de l’anglais : Olivier Barre
Bibliographie
A Virgem e A Mulher de Pedra (brésilien)
The Virgin and The Stone Woman (anglais)
Psicologia Budista – Editora Gryphus, Rio (brésilien)
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